blues again en-tete
12/22
Chroniques CD du mois Interview: ERIC BURDON Livres & Publications
Portrait: JOHN LEE SONNY BOY WILLIAMSON Interview: SOLOMON BURKE Interview: TONY MARLOW
 


Interview
JEAN MARC HENAUX


KING KONG BLUES
king kong blues
king kong blues
blues lucky gaz & little peter
Jean marc henaux




Il traîne son harmonica et sa casquette de clubs en festivals, dans les studios et dans les salles de cours. Son credo c’est la rencontre et le partage.    

Blues Again : Que deviens-tu Jean-Marc ?
Jean Marc Hénaux : Je continue mon petit bonhomme de chemin. Depuis que j'ai quitté la région parisienne en 2011 je suis installé dans la Drôme. J'essaie de développer l'harmonica du mieux que je peux...

Un petit coup d’œil dans le rétro pour résumer ton parcours …
Je suis né à Nîmes jean marc henauxmais j'ai surtout commencer à jouer de l'harmonica étudiant quand j'étais à Montpellier. Je me souviens avoir passé des heures tout seul dans ma petite chambre d'étudiant à essayer de refaire ce que j'entendais sur les cassettes de blues. Puis après j'ai eu mes premiers petits groupes d’étudiants, les premières soirées jam, mes premiers concerts. Puis je suis monté en région parisienne et le premier truc que j'ai fait c'est de me précipiter à l’Utopia pour découvrir ce lieu du blues parisien. Sinon je travaillais le jour et je faisais la musique le soir, voilà le parcours un peu habituel. En région parisienne j'ai eu la chance de rencontrer de merveilleux musiciens qui m'ont beaucoup apporté, j'y suis resté 12 ans.

Quelles ont été tes influences majeures ? Quels musiciens entrent dans ton panthéon personnel ?
C'est une dure question car mes influences d'hier ne sont pas forcément celles d'aujourd'hui... J'ai étudié d'abord les harmonicistes comme Sonny Boy Williamson, Little Walter ou Big Walter Horton, puis après des harmonicistes comme James Cotton, Rod Piazza, William Clark ou Charlie Musselwhite...
J'ai beaucoup écouté un album de Little Hatch, puis j'ai aussi eu ma phase Mason Casey puis je suis revenu à des harmonicistes comme Kim Wilson, Rick Estrin ou Billy Branch et dernièrement Dennis Gruenling ou Aki Kumar il y en a tellement à écouter ….
Pour les harmonicistes français les premiers que j'ai eu la chance d'écouter et de découvrir en concert sont Jean-Jacques Milteau, Greg Zlap (qui a été aussi mon prof à l'Utopia) et Nico Wayne Toussaint...
Finalement des influences harmonicistes j'en ai beaucoup, et ce ne sont pas les mêmes suivant la période dans laquelle je suis musicalement, je ne sais même pas moi-même aujourd'hui quel style je joue vraiment...
J'ai aussi un film qui m'a beaucoup influencé à l'époque c'est le film Crossroads de Walter Hill avec le fameux Willie Brown à l'harmonica, en voyant ce film, je me suis dit « oui mais c'est ça que je veux essayer de faire », ce film m'avait fasciné, je cherche encore mon carrefour...

Il y a eu l’aventure Shake Your Hips, puis tu as eu une solide collaboration avec le regretté Alain Giroux. Peux-tu nous raconter cette rencontre, comment est né votre duo ?
Ma rencontre avec Alain a été incroyable, une des plus belles rencontres musicales que j'ai faîtes jusqu'à présent... Pour la petite histoire je donnais des cours d'harmonica à un élève qui prenait aussi des cours de guitare. Un jour j'arrive à son cours et j'entends quelqu'un qui joue de la guitare dans la salle, je rentre et je vois Alain Giroux qui était venu car il avait eu vent qu'un nouveau professeur d'harmonica venait de s'installer dans la Drôme...
Le cours s'est finalement vite transformé en jam entre Alain et moi et après le cours devant sa voiture on a beaucoup parlé, des amis qu'on avait en commun, des mêmes lieux qu'on connaissait tous les deux, des patrons de clubs qui nous avaient programmés ou des festivals. Puis je lui ai laissé un album de SYH, j'avais le sentiment que ce soir-là il s'était passé quelque chose, mais bon c'était quand même Alain Giroux !
Le lendemain mon téléphone sonne et Alain m'invite à manger chez lui.
Nous avons mangé, beaucoup discuté et joué quelques morceaux, voilà le duo était né !
Deux mois plus tard nous étions programmées au festival Blues/Jazz de Draguignan.
De tourner en duo avec Alain pendant plus de 8 ans j'ai beaucoup appris bien sûr, mais il y avait surtout entre nous beaucoup de complicité humaine qui se voyait sur scène, on avait beaucoup de plaisir à jouer ensemble mais aussi ensemble lors des tournées en France ou en Espagne... On avait beaucoup de respect l'un pour l'autre !
Moi qui doute souvent, lui il m'a donné la confiance et ça a tout changé dans ma vie de musicien... Justement j'en parlais tout à l'heure mais si tu as vu le film Crossroads, tu comprendras de quoi je parle, j'ai eu moi la sensation de vivre l'histoire de ce film avec Alain Giroux... Alain c'était un vrai bluesman, dans sa musique mais aussi dans sa façon de vivre.
jean marc henaux
Tu multiplies les collaborations, on te voit sur scène avec différents artistes… As-tu une facilité à te glisser dans l’univers des autres ?
Je ne dirais pas une facilité car ce n'est jamais facile de se glisser dans l'univers des autres.
C'est un exercice difficile mais c'est très enrichissant car il faut toujours se remettre en question, et essayer de s'adapter au mieux à la sensibilité de l'artiste avec qui tu joues 
J'ai beaucoup appris aussi à faire ça et aujourd'hui j'aime bien partager de la musique avec différents artistes. La difficulté de ça c'est qu'il y a très rarement des répètes et qu'à chaque fois il y a une prise de risques de savoir si tu vas arriver ou pas à apporter quelque chose….
Cela procure beaucoup de liberté qui aujourd'hui me plaît, l'inconvénient de ça c'est que tu n'as pas l'esprit de camaraderie que tu peux avoir avec un groupe en gros tu ne partages que de la musique mais plus ta vie. Parfois cela me manque car si j'ai bien appris un truc en musique c'est que l'humain est bien le plus important.

Combien fais-tu de concerts en une année ?
Aujourd'hui je dois être en moyenne à 3 concerts par mois environ mais en plus j'anime également tous les deux mois une jam blues à Valence... Je participe également à des enregistrements sur des albums pour placer quelques parties d'harmonica avec différents artistes du blues bien sûr mais également sur de la chanson française...
Mais mes cours réguliers d'harmonica me prennent beaucoup de mon temps. 

En quoi la scène est-elle indispensable ?
Un musicien doit le temps d'un concert procurer des émotions, donner un peu de joie, faire oublier les soucis le temps de quelques heures, c'est en ça que les concerts sont importants.
Et pour un musicien c'est le public, qui le temps d'un concert, te donne des émotions, de la joie et te fait oublier tes soucis...
Pour moi ça me permet de m'exprimer, si j'avais été chanteur je n'aurais peut-être pas joué de l'harmonica et comme je ne sais pas chanter j'essaye de raconter mon histoire à travers mon ruine-babines ... J'en ai besoin sinon il y a un manque quelque part. 

Tu accompagnes également des spectacles de danse, est-ce une autre approche de la scène ?
Il y a quelques années j'ai participé à la création d'un spectacle mélangeant la musique folk américaine et la danse. Deux musiciens, deux danseurs et on parcourt comme ça différents styles et histoires de la musique folk américaine, on joue des morceaux de gospel, de folk, de ragtime, de Delta blues, de Chicago blues, de boogie et les danseurs racontent l'histoire de ces chansons à travers la danse.  C'est un spectacle magnifique que j'aime beaucoup et que je suis fier d'avoir initié, on peut retrouver des tas de vidéos de ce spectacle Move Brothers sur le net mais malheureusement nous n'avons pas beaucoup l'occasion de le jouer.

Et qu’en est-il de ta fonction de professeur d’harmonica ?
J'enseigne l'harmonica depuis 2011 dans la Drôme et ceci est mon activité principale. 
Mon nombre d'élèves n'a cessé de croître d'année en année. Cela me demande beaucoup de temps entre la préparation des cours et les cours eux-mêmes. Je me déplace dans différents endroits de la Drôme pour enseigner l'harmonica. J'ai des élèves débutants mais également des bons joueurs et dont certains jouent déjà en groupe. J'essaie d'être le prof que moi j'aurais voulu avoir, sans trop de théorie, mais avec beaucoup d'écoute, de pratique. 
Je peux dire que j'aime mon métier, j'essaie de transmettre du mieux que je peux ce que j'ai appris au fil des années. Et je continue d'apprendre de mon côté et mes élèves sans le savoir m'aident dans mon apprentissage, mais la route est encore longue et infinie. 
J'ai le sentiment de transmettre quelque chose de ma passion pour la musique avec mon harmonica. C'est peut-être ma façon à moi d'amener ma petite pierre à l'édifice du blues.

Combien d’harmonicas as-tu à ta disposition sur scène ?
J'ai une valise qui m'a été faite par un ami, dans laquelle je voulais 2 plateaux de 14 harmonicas, donc sur scène j'ai 28 harmonicas à ma disposition, mais certains sont des doubles. En général lors d'un lors d'un concert je n'en utilise qu'une petite dizaine. 

Tu joues sur des instruments Hohner, marque avec qui tu as un partenariat. Comment est née cette collaboration ?
Tout a commencé quand j'enseignais l'harmonica à la Yamaha Music School,Jean marc henaux c'est la marque Suzuki Harmonica qui m'a contacté en premier pour me proposer un partenariat, je suis resté avec eux pendant 2 ans. Puis un jour le commercial de chez Hohner m'a contacté pour qu'on se rencontre et m'a proposé de signer un contrat pour venir chez Hohner, j'ai tout de suite accepté ! Hohner c'est les légendes de l'harmonica, c'est la référence mondiale, alors me retrouver parmi tous ces artistes que j'admire, c'est un rêve de jeune musicien.
J'ai moi aussi soufflé mes premières notes dans un harmonica Hohner avec un sommier en bois et quand je joue aujourd'hui j'ai l'impression de retrouver le goût des anciens bonbons de ma jeunesse, de mes premiers souffles, de mes premières notes de blues ! Je joue principalement sur les modèles Marine Band Deluxe et Crossover. Je remercie Hohner pour leur confiance et leur accompagnement dans mes cours et mes projets, ils ont une vraie proximité avec leurs artistes.

Quels sont tes projets pour les mois à venir ?
Je vais me pencher sur l'organisation de la prochaine soirée Blues lès Valence qui aura lieu au mois d'octobre. J'ai quelques bon concerts prévus cet été avec des formations différentes.
Et fin juillet je vais enregistrer des parties d'harmonica dans un studio vers Saint Etienne sur le futur album d'un bluesman français... Je prépare également quelques nouvelles compos et morceaux qui me tiennent à cœur.

Justement n’as-tu jamais envisagé d’enregistrer un album avec quelques invités mettant ton jeu d’harmoniciste en lumière ?
Si j'y pense ! En fait j'aimerais faire un album en invitant différents musiciens à venir jouer sur mes propres compositions ou jouer leurs propres compositions en y ajoutant mon harmonica.  Dans mon idée j'aimerais avoir beaucoup de musiciens différents pour jouer sur ce genre d'album et aussi mélanger des musiciens de différente styles et de différents groupes sur un même morceau, faire un peu des rencontres inédites. Le problème de ce genre de projet c'est déjà l'organisation pour réunir tous ces musiciens, puis quelle en serait la finalité, il n'y aurait pas de concerts, du coup pas de ventes d'albums pendant les concerts, financièrement ça me paraît compliqué mais qui sait peut-être un jour...

Est-ce qu’il y a un but que tu n’as pas encore atteint en tant que musicien ?
Oui il y a encore plein de buts que je n'ai pas atteints en tant que musicien et heureusement sinon ce serait bien triste de ne plus avoir d'envies. Il y a plein de gens avec qui j'aimerais jouer et aussi pas mal de morceaux que j'aimerais connaître et savoir interpréter. Certains de mes désirs de musicien ne seront jamais atteints mais c'est justement le fait d'être sur la route pour y arriver qui fait que tu progresses encore. Je pense qu'un bon musicien continue de progresser et évoluer toute sa carrière et notamment grâce aux rencontres qu'il fait sur ce chemin...

Quelques mots sur ton activé musicale dans la Drôme :
Je partage mon temps entrejean marc henaux mes cours d'harmonica qui m'occupent tous les jours (j'ai environ 75 élèves répartis dans différents groupes, dans différents lieux...) et les différents concerts.
J'anime donc une jam blues tous les deux mois à Valence avec différents musiciens pour varier ces soirées, c'est aussi un bon exercice et un super moment de rencontres musicales.
Je co-organise également depuis 8 ans avec une belle équipe d'une MJC la soirée Blues lès Valence qui a lieu au théâtre du Rhône. Je fais des concerts avec différents artistes avec lesquels je joue principalement en Rhône-Alpes. Et je suis heureux comme ça car de vivre de sa passion c'est déjà un énorme privilège. Alors oui ce n’est pas toujours facile, car je suis mon patron, ma secrétaire, mon commercial et mon ouvrier, mais du coup j'ai ce sentiment de liberté.

Pourquoi l'harmonica et pas la guitare ou le chant par exemple ?
J'ai toujours aimé le blues et l'harmonica, je ne sais pas pourquoi mais c'est un instrument qui me parle. Au début j'ai acheté un harmonica aussi pour le côté pratique et pas cher, je ne savais pas que quelques années plus tard c'est cet instrument qui deviendrait ma deuxième voix. Je trouve que l'harmonica est un instrument tellement atypique, imparfait et très sensible. Je pense que c'est l’instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine...
Puis je ne sais pas chanter, j'ai même un peu honte de ma voix, je suis un piètre guitariste, Alain Giroux se foutait gentiment de moi quand je prenais sa guitare. Ce qui est sûr c'est que si je n'avais pas joué de l'harmonica j'aurais aimé jouer de la trompette car c'est un instrument qui me parle, j’aime beaucoup sa sonorité. Parfois même quand je joue sur des morceaux un petit peu plus jazzy je m'imagine que je joue de la trompette avec mon Mississippi saxophone !

En tant que musicien, quel serait ton rêve le plus fou ?
Là aussi c'est difficile de répondre car des rêves j'en ai encore beaucoup mais si tu me demandes aujourd'hui avec quel musicien je voudrais partager quelques morceaux...  J’aimerais bien souffler quelques belles notes avec Charlie Musselwhite, mais pas sur une grosse scène, genre plutôt chez lui et partager quelque chose d'unique.

Gilles Blampain – avril 2020

www.facebook.com/jeanmarc.henaux

jean marc henaux