blues again en-tete
12/22
Chroniques CD du mois Interview: ERIC BURDON Livres & Publications
Portrait: JOHN LEE SONNY BOY WILLIAMSON Interview: SOLOMON BURKE Interview: TONY MARLOW
 


Dans cette rubrique, vous trouverez une sélection de CD choisis par l'équipe Blues Again.

DECEMBRE 2018

Big Dez
Last Train

Genre musical: Rockin' Blues
Label : AUTOPRODUCTION
Distributeur : SOCADISC    

Ceci n’est pas un album de blues-rock ! Comme ils le précisaient naguère dans une longue interview qu'on peut encore trouver quelque part sur ce site, les membres de Big Dez préfèrent évoquer le Rockin’Blues, terme moins réducteur selon eux. C’est qu’en effet, leur musique doit presqu’autant au funk (‘Bout You’, ‘Last Train’, ‘The Felione’), la soul (‘Back To Little Street’), le rhythm’n’blues (‘That’s The Way You Can Change’) ou le rock (‘By Yourself’, et son intro puissante, entre Stones et AC/DC). On n’a pas affaire aux perdreaux de l’année : Big Dez a été fondé en 1996 autour de Phil Fernandez, le chanteur/guitariste, qui signe aussi toutes les compositions. Avec lui Rodolphe Dumont - guitare, Marc Schaeller - harmonica, Laurian Daire - claviers, Cyrille Catois - basse, Steve Belmonte - batterie, et une floppée d’invités, les moindres n’étant pas Lucky Peterson et son orgue Hammond, ou encore Gordon ‘Sax’ Beadle (Ben E. King, Solomon Burke…). Huitième essai déjà, (enregistré à Paris, mixé à Austin) pour proposer 12 titres tirés au cordeau, à la mécanique bien huilée, aux arrangements soignés, à grand renfort de cuivres, claviers et chœurs en tous genres… Voilà donc un travail soigné, quoiqu’un peu trop peut-être. C’est propre et sans bavure, ça plaira aux fans de Robert Cray ou Albert King, un peu moins aux amateurs de sensations fortes.
Marc Jansen

Crashbirds
European Slaves

 

Genre musical: Dirty rock’n’blues
Label : AUTOPRODUCTION
Distributeur : https://crashbirds.jimdo.com/

La (superbe) pochette, un couple égaré dans un monde post apocalyptique, donne le ton. La plupart des titres aussi, du reste : 'European Slaves', 'Boring To Death', 'Week End Lobotomy', 'Shock Therapy'... Bref, le constat n’est pas folichon, le monde va de plus en plus mal, on le sait.  Les Crashbirds jettent un regard désabusé sur notre pauvre situation - désabusé mais jamais sinistre. Ce ne sont pas des moralistes, encore moins des donneurs de leçons ! Ce qui les intéresse avant tout, c’est la musique, évidemment. Nous inciter à danser sous les bombes, en ces temps d'aliénation galopante.  Rappelons aux distraits que les Crashbirds sont deux, Delphine au chant et à la guitare, Pierre à la guitare et à la Crashbox, cette caisse amplifiée qu’il maltraite d’un pied colérique. Les revoici pour une nouvelle salve, un quatrième long format (après No Mercy en 2013, Dead City en 2014, et Live In Dead City il y a deux ans) grâce auquel ils tracent leur sillon sur une planète en décomposition. Ceux qui, de plus en plus nombreux, suivent le groupe ne seront pas déçus : la guitare s’étire en de longues cavalcades, riffs affutés, blues écorché, rock’n’roll plein d’échardes, la voix s’envole, ébouriffante. Le style demeure rêche, offensif, décapant. Les prises de son ont été faites à la maison, Eric Cervera a assuré le mix, Sébastien Lorho le master. Et ces stakhanovistes nous préparent déjà un nouvel album live, prévu pour le printemps prochain.
Marc Jansen

Dale Bandy
Blue

 

Genre musical: Blues, funk-blues 
Label : ELASTIC PENGUIN
Distributeur : Amazon, CdBaby, Reverbnation

Blue est le premier album solo de Dale Bandy. Le « caméléon du blues », comme il se plaît à le dire, a choisi neuf chansons parmi les trente qu'il a enregistrées afin de nous donner un avant-goût de ce qui va suivre. Énergique et honnête, cet album s'ouvre sur un morceau à la ligne de basse funky simple et efficace ('My Bad Reputation'). Les musiciens ont le sens du groove, appuyé par l'orgue et la voix claire et sûre de Dale. La seconde chanson, 'If I Could Just Take It Back', plus planante, exprime les regrets que l'on peut ressentir lorsque l'on fait du mal à nos proches. La guitare se fait atmosphérique et la basse, toujours aussi présente, résonne comme un battement de cœur alors que la guitare lance son solo. La plus rythmée 'Big Legged Woman' démarre sur une batterie enjouée et un solo de guitare. Le saxophone et l'orgue se donnent la réplique sur un autre rythme au groove entraînant. Dale a choisi d'inclure dans ce disque une reprise assez personnelle du classique 'The Thrill Is Gone'. La section rythmique apporte cette touche funky quasi omniprésente sur le CD qui semble être propre à la formation alors que l'orgue soutient des nappes fantomatiques. Le dernier morceau de l'album se rapproche du blues roots et de la rythmique emblématique du genre; Dale s'enregistre seul avec sa guitare électrique et sa voix. Pour son premier enregistrement sous son nom, Dale Bandy a choisi de nous montrer une certaine facette de sa musique et l'on a hâte de découvrir les prochaines.
Marion Braun

Dave Keller
Every Soul's A Star

 

Genre musical: Blues, Soul  
Label : CATFOOD RECORDS
Distributeur :
Amazon, iTunes

Si vous vous sentez un peu triste et démotivé, Every Soul's A Star est l'album qu'il vous faut. Au fil de chansons parlant d'amour et d'espoir, Dave Keller nous encourage à prendre conscience de notre propre valeur. La première, au titre évocateur 'Don't Let Them Take Your Joy', démarre avec des cuivres et un orgue aux accents soul. Les chœurs, qui reprennent les paroles encourageantes de Keller, nous invitent à les scander avec lui. La seconde chanson, qui a donné son titre à l'album, offre une plus grande part aux cuivres qui constituent le motif principal. La troisième, 'Baby I Love You', est la seule reprise du disque, à laquelle Keller a insufflé son rythme caractéristique. L'enregistrement est assez homogène, voletant entre soul, funk et blues. Dave célèbre l'individualité dans un monde régi par les normes et confronte l'injustice ('Freedom Is Ours'). Avec des émotions plein la voix et un jeu de guitare efficace et sans prétention ('This Is Gonna Hurt'), le guitariste se présente aussi comme un amoureux transi (When Are You Gonna Cry ?') ou comme un homme sûr de lui ('Ain't Givin' In'). Humaniste et croyant, surtout en l'amour et la bonté, Dave Keller réchauffe même les cœurs les plus glacés.
Marion Braun

David Lumsden & Friends
Hues Of Blues

 

Genre musical: Blues-rock, jazzy, ballade… 
Label : AUTOPRODUCTION
Distributeur : CdBaby, Amazon, iTunes

Quand vous saurez que ce guitariste est celui qui a accompagné Hurricane Ruth de 2011 à 2017, vous comprendrez que David Lumsden est capable de vous balancer à la face le blues-rock le plus graisseux comme la romance la plus douce. La guitare est son terrain de jeux et ses amis sont précieux, il en a donc invité quelques-uns pour l'enregistrement des douze titres de cet album. Ce n'est pas le premier morceau de ce CD, mais d'entrée, je voudrais dire le plus grand bien de 'Brush With The Blues' de Jeff Beck, qui a été capté live et en trio. Pendant presque sept minutes, c'est une démonstration de guitare avec son lot d'effets devant un public qui apparemment répond au quart de tour. Et reprendre du Jeff Beck, il faut en avoir les capacités et il faut oser... A la basse, son vieux complice Gary Davis que l'on peut entendre sur la plupart des titres, à la batterie Arthur Carey Sr et au clavier Wayne Carter que l'on retrouve dans trois autres morceaux. 'You're Ruining My Bad Reputation' compo de la regrettée Denise Lasalle, 'Thrill Is Gone' au tempo un peu plus appuyé que l'original où, en plus de chanter, il est au piano et 'Georgia On My Mind', autre grand classique qui montre la facette jazzy de cette formation. Autre invité de marque, l'harmoniciste Steve ‘The Harp’ Mehlberg pour un 'Cut You Loose' bien gras ainsi que l'une de ses compositions, dansante à souhaits, 'On Bender Knee'. Bill Evans amène sa voix et sa guitare pour un duo sur 'Further Up On The Road'. Mary Jo Curry « la furie » ajoute encore au côté brut de décoffrage de 'Raised Me Right' et sa guitare saturée. Le batteur chanteur Reggie Britton est invité sur 'What The Matter With The Mill' avec Steve Mehlberg qui y balade son ruine babines et Ezra Casey les claviers. Led Zeppelin est à l'honneur avec une belle et douce version instrumentale de 'Rain Song' dans laquelle on savoure la slide aérienne de Andon Davis. Pas mal de reprises, donc, en version haute qualité avec des parties de guitare qu'on a plaisir à suivre attentivement. Belle surprise que cet album.
César

Delta Moon
Babylon Is Falling

 

Genre musical: Swamp blues, swamp rock  
Label : LANDSLIDE RECORDS
Distributeur : Amazon

Quel délice de découvrir ce nouvel opus des immenses Delta Moon. La voix remarquablement usée de Tom Gray associée à la lap steel guitar et à la slide, avec ce duo basse/batterie hypnotique est un gage de sourire assuré à l'écoute du résultat, que ce soit au niveau des cinq originaux ou des six reprises arrangées à la sauce Delta. Que ce soit, par exemple le 'One More Heartache' de Marvin Gaye ou le 'Louisiana Rain' de Tom Petty, on reconnaît, bien sûr, les chansons mais la patte Delta Moon est si forte qu'ils auraient pu en être les auteurs. Simplicité et efficacité étant deux termes qui leur ont valu d'être les vainqueurs de l'IBC en 2003, rappelons-le et qui sont encore de mise pour cet opus qui démarre avec 'Long Way To Go' un chant de travail « appel/réponse » qui pose d'entrée le groupe qui poursuit avec le titre phare 'Babylon Is Falling' où la batterie de Marlon Patton rend le rythme obsédant. Le co-fondateur et guitariste du groupe, Mark Johnson, a écrit deux morceaux 'Might Take A Lifetime' délicatement rock’n' roll et 'Christmas Time In New Orleans' qui nous emmène directement dans le bayou toujours avec la slide envoutante et la basse de Franher Joseph métronomique et profonde. Pas de surprise, donc, avec ce dixième album d'un groupe qui va tranquillement sa route, mais, comme d'habitude, une musique pénétrante gorgée de feeling à laquelle on devient vite addict.
César

Gaetano Letizia The Underworld Blues Band
Beatles Blues Blast

 

Genre musical: Blues, rock  
Label : LETIZIA RECORDS
Distributeur : CdBaby, iTunes, Deezer 

Le guitariste Gaetano Letizia qui était ado à l'époque où les Beatles reprenaient les titres des héros du rock de l'époque garde toujours en tête la musique que les quatre de Liverpool ont produit durant leurs années d'existence. Pour ce troisième album avec ce trio, il leur rend hommage avec dix-sept titres archi connus enregistrés en une journée dans les conditions du live. On a beau connaître ces chansons par cœur, les interprétations que ce trio en donne file la banane. Monsieur Gaetano est un virtuose de la six cordes et ses deux complices ne sont pas en reste. Le bassiste est Lenny Gray et le batteur Michael D'Elia. Ces trois-là sont de la même génération, ont baigné toute leur vie dans la musique et sont sur leur terrain de prédilection en donnant une nouvelle vie à ces titres grâce à des interprétations blues et blues-rock soft en étant sur le fil entre jeu roots et jeu sophistiqué, peut-être est-ce parce que Gaetano joue aussi dans des groupes de jazz et que les impros ne lui font pas peur. Il en est de même pour ses compères. Au hasard et pour survoler le truc, 'Do It In The Road' a des allures de swamp blues rock avec un solo de batterie et une wah wah qui accroche tout sur son passage. 'Drive My Car' voit l'utilisation de la cloche à vache pour marquer le tempo avec une basse bien ronde à tendance funk. Avec 'Taxman' on va sur des sentiers Texas blues. 'While My Guitar Gently Weeps' est énergique et a des airs de samba électrique. 'I Want You' est captivant avec ses six minutes, morceau de bravoure pour une basse hypnotique. 'And I Love Her' possède un côté latin genre Santana et la basse y est également charmeuse. 'Yesterday' prend des airs de berceuse sur un tempo rumba. 'With A Little Help From My Friends' se rapproche plus de la version Joe Cocker en plus doux. Pas de copier-coller avec ces trois garçons, mais une appropriation d'une partie du répertoire des Beatles pour en faire quelque chose de frais, dansant. Vous entendrez aussi 'Come Together', 'Birthday', 'Blackbird', 'Drive My Car' et quelques autres qui vous réchaufferont le cœur par ces jours de froidure.
César

Inred
Just About Anything Is Possible

 

Genre musical: Pop rock 
Label : FRENCH FRIES
Distributeur : Deezer, Spotify, Bandcamp

InRed est mené par l’anglais Pat Griffiths au CV (23 Skidoo, Baroque Bordello) qui vaut inscription d’office dans le gotha post-punk des early eighties, accompagné par des comparses français affûtés. Ce premier album, Just About Anything Is Possible est un manifeste glam new wave gothique psychédélique, un juke-box décalé qui ravira les amateurs de pop anglaise raffinée et cintrée, loin du British Blues Boom on l’aura compris. De ‘To Be’, funk synthétique brechtien et outré à ‘Wendy’s Party’, toutes guitares et chœurs dehors, limite ska pop punk oscillant entre Costello, Madness et Squeeze en passant par ‘Loster’ où intro caverneuse et guitare gothique et menaçante nous renvoient aux sombres émanations d’un rock d’outre-tombe, les Inred revisitent avec naturel, fluidité et nonchalance le spectre musical dans lequel ils se sont épanouis. Les deux derniers morceaux, ‘Lazy Mountain’ et ‘Double, Double Do’ via leurs nappes éthérées de voix et accords désaccordés, ritournelles de manège d’enfants sous acides nous offrent la plus belle réminiscence de Syd Barrett qu’il nous ait été donné d’entendre depuis les TV Personalities. Un disque plein de références choisies, commis par des gens cultivés, donc, avec un petit côté slacker low fi à la production, comme si la suprême élégance était de ne pas prendre tout ça tellement au sérieux.
Laurent Lacoste

Jim Allchin
Prime Blues

 

Genre musical: Blues, boogie, etc..  
Label : SANDY KEY MUSIC
Distributeur : Amazon, www.jimallchin.com/store

Quel est le rapport entre les mathématiques et le Prime Blues de Jim Allchin ? Mine de rien, si vous prenez une loupe et que vous regardez la pochette du digipack, vous y verrez une foultitude de petits points colorés qui sont la liste de tous les nombres premiers jusqu'à 1 million par l'intermédiaire d'un programme informatique créé par Jim. Quant au blues, il est bien présent et sous toutes ses formes, dans les quatorze titres que renferme cet album. A peine remis des émotions que lui a procuré son précédent album Decision, Jim Allchin a repris le même infatigable et talentueux producteur/batteur Tom Hambridge et a réuni autour de lui le bassiste Glen Worf, le claviériste Kevin McKendree et trois guitaristes rythmiques se sont partagé le boulot. Rob McNelley, Bob Britt et Kenny Greenberg. Et tant qu'à faire, pour lier le tout, il a appelé en renfort les cuivres des Memphis Horns. Cet album est plus focalisé sur le blues que les précédents, blues sous toutes ses formes. Mike Zito a prêté sa voix sur 'Enough Is Enough' et ça pousse fort, guitares et piano ne sont pas en reste. Sur 'Two Bad Dreams', c'est la voix et l'harmonica de Bobby Rush qui font écho à la guitare inspirée de Jim Allchin pour ce blues lent et appuyé. On retrouve l'harmonica de Rush sur 'Tech Blues' qui balance, histoire de nous préparer à 'Logoff'' et son style tirant sur le latino. Le boogie est abordé par le biais de 'Jimmy's Boogie', instrumental qui va vite avec une guitare bavarde omniprésente. La voix claire de Jim sied à merveille aux morceaux lents comme cette chanson d'amour 'Summer Sunrise' avec de beaux cuivres pour accompagner le propos. Jim Allchin a bien fait de laisser tomber l'informatique de très haut niveau pour nous proposer ses compos au feeling à fleur de peau.
César

Kirk Fletcher
Hold On

 

Genre musical: Blues, funk-blues, soul  
Label : AUTOPRODUCTION
Distributeur : Amazon, iTunes, Spotify

Kirk le dit lui-même, ce cinquième album semble être son premier véritable enregistrement solo, entièrement composé par lui-même, avec toutefois l'aide de Ben Rogers sur 'Two Steps Forward' et Josh Smith sur 'The Answer'. Le message est clair, il s'agit d'un témoignage d'amour pour l'humanité. Le bluesman au grand cœur qui donne des cours de guitare sur youtube choisit des paroles simples, que tout le monde peut s'approprier, afin de toucher son public plus directement, et ce dès les premières notes. 'Two Steps Forward' ouvre le bal avec Jonny Henderson à l'orgue et l'impressionnante choriste Mahalia Barnes qui donne la réplique à la voix veloutée de Kirk. Le plus funky 'You Need Me' bénéficie d'une longue partie instrumentale au groove accrocheur qui nous donne l'impression d'être à leurs côtés dans le studio et les voir jammer devant nous. Le titre suivant, 'Sad Sad Day' est un boogie dynamique qui invite à se trémousser alors que 'The Answer', avec ses huit minutes, oscille entre tradition et modernité. Le solo, tout en finesse et en émotions, est exécuté de main de maître et semble mettre l'âme de l'artiste à nu. Il accompagne la chanson en un crescendo qui va des larmes à l'espoir. Bien que les morceaux soient éclectiques, 'Times Ticking' contraste avec le reste de l'album. Cette composition plutôt heavy à l'intro saturée est rehaussée par la batterie (Matt Brown) et l'orgue. L'album se termine sur le titre éponyme, un blues un peu gospel et atmosphérique auquel Jade McCrea a prêté sa voix. Hold On est un album d'amour et d'espoir à mettre entre toutes les mains.
Marion Braun

Lilix & Didi
Young Girls Punk Rock

 

Genre musical: Rock juvénile
Label : M&O MUSIC
Distributeur : DOM

C'est avec une certaine tendresse qu'on retrouve Lilix et Didi : car on a beau s’étourdir de riffs puissants et de refrains virils, sous le cuir râpé et la peau burinée, peut batte un cœur de midinette ! On les avait un peu perdues de vue depuis leur premier album, Autre Chose A Faire Le Soir -  elles avaient alors à peine douze ans. Trois ans plus tard, les deux chipies, toujours épaulées par leur mentor Lionel Riss 'MoOonshiner', rejointes par une copine de jeu, Zo, aux claviers et à la guitare, continuent à s’échanger basse et batterie, et surtout à se faire plaisir. Manifestement, pas d’autre envie ici que de reprendre des titres qu’elles aiment, interprétés le plus souvent façon pop punk : un titre des Ramones (The KKK…’), un autre de Clash (‘White Riot’), l’hymne éternel de Sham 69, ‘If The Kids Are United’, couplets en français, refrain en anglais, ce qui est préférable en effet :  l’impayable « If the kids are united/They will never be divided » résonant tout de même mieux dans la langue de Theresa May. Ah, Jimmy Pursey, le rocker-de-gauche simplet qui attirait des hordes de skins aux concerts ! Les gamines se montrent plus délurées avec la relecture de ’Dickhead’, d’un autre groupe de punkettes énervées, Maid of Ace.  Il y a enfin trois reprises des Wampas, dont ‘J’Ai Avalé Une mouche’, featuring Didier Wampas, déjà présente sur le premier album, et puis, plus surprenant, le ‘Boom Boom’ de John Lee Hooker, et le ‘Camarade Bourgeois’ de Renaud, avec le riff de ‘Ace Of Spades’. C’est tout à fait rafraîchissant, et touchant dans ses maladresses. Et ça ne fait vraiment pas de tort, dans un milieu bien trop macho, voire parfois carrément sordide. 
Marc Jansen

Mark Knopfler
Down The Road Wherever

 

Genre musical: Americana introspectif ?
Label : MERCURY
Distributeur : UNIVERSAL

Personne ne se demande jamais ce que devient Mark Freuder Knopfler, où il en est de sa carrière et de son prochain album (neuf pièces en solo à cette heure). Knopfler arrive toujours sans déranger, se laisse écouter sans déplaisir, repart sans s’imposer et se fait oublier jusqu’au prochain. Ici, ce n’est pas du folk, pas du rock ni de l’americana, mais un peu de tout, en mid-tempo paysager dans ses moments de fureur dévastatrice, Knopfler étant aussi bien partant pour un petit sur-place introspectif sur des ballades graves et dénudées, toujours cool, mais cooooool. Il est venu nombreux, avec des musiciens de toutes disciplines et des choristes (dont Imelda May). Pourtant son album sonne presque dépeuplé. Au nombre des exceptions : ‘Just A Boy Away From Home’, le chef d’œuvre du disque, avec son mouvement final lancinant. Au moment de Slow Train Coming, Dylan charriait Knopfler comme son « meilleur imitateur ». Comment ne pas y penser en entendant cet avatar prosodique ? Mais ce Dylan débarbouillé, rendu net et formel par la précision des mélodies, chante bien. On peut dire aussi qu’il sait composer et toucher une guitare, ça fera gagner du temps. Que, contrairement à certains confrères jouissant des mêmes aptitudes, qui n’enregistrent plus que pour clamer leur stérilité, lui a encore quelque chose à dire de sa jeunesse, d’où cette nostalgie qui parfume tout l’album. Dire aussi qu’il est très humble, et doit jouer moins de notes dans ces quatorze compositions qu’il n’en joue dans ‘Sultans Of Swing’. Mais c’est un disque qu’il semble n’avoir composé que pour lui… et on mate sa tocante de temps en temps.
Christian Casoni

Popa Chubby
Prime Cuts: The Very Best Of The Beast From The East

 

Genre musical: Blues, blues-rock
Label : VERYCORDS
Distributeur : Amazon, iTunes, Spotify

Cette anthologie rassemble quinze titres que le new-yorkais a choisi pour le représenter. Parmi eux, deux chansons sont inédites et deux autres sont des reprises devenues emblématiques. On ne présente plus sa version du 'Hey Joe' d'Hendrix et ses solos aussi longs que techniques qui lui ont valu la réputation de réincarnation du guitariste légendaire. La deuxième, 'Hallelujah', reprend le classique de Leonard Cohen avec une délicatesse respectueuse. En ce qui concerne les nouveautés, rassurez-vous ! Popa n'a pas perdu sa verve sans concession, comme en témoigne la chanson au titre évocateur 'Go Fuck Yourself'. Moins blues-rock que planante, cette chanson tranche cependant avec les rythmiques et les gros riffs dont la bête de l'est nous régale habituellement. Il est rejoint sur ce morceau par sa fille Theodora au violon. La seconde inédite, qui clôt l'album, nous plonge dans l'esprit de Noël : 'There On Chrismas' a des airs de fête avec ses chœurs discrets et son piano joyeux et entêtant. L'album débute avec l'entraînante 'Life Is a Beat Down', mais on retrouve aussi des incontournables du guitariste tels que 'Sweet Goddess Of Love And Beer', la très belle 'San Catri' ou encore la plus roots 'Daddy Played The Guitar'. Une jolie anthologie pour faire découvrir l'artiste ou pour le redécouvrir.
Marion Braun

Randy McAllister and the Scrappiest Band In The Mother Land
Triggers Be Trippin

 

Genre musical: Blues intense  
Label : REACTION RECORDS
Distributeur : www.randymcallister.com/home

C'est du solide, ça sent le rentre dedans, le vécu et le musicien de terrain. Ce Texan pur jus nous propose là son quinzième album en une trentaine d'années de carrière. Qu'il soit derrière les fûts, à l'harmonica ou au chant, ce type marche au feeling et met ses tripes dans ses interprétations. C'est une sorte de Springsteen du blues. Le guitariste qui l'accompagne pour ce disque, Brandon Hudspeth, a su capter l'esprit des chansons et met parfaitement les ambiances, ses solos sont investis. Parmi les dix titres de ce Trigger Be Trippin, une seule reprise 'Since I Met You Baby’ traitée avec respect, une véritable plage de sérénité, juste guitare, voix et harmonica. On navigue entre blues mâtiné de rock, 'Beauty And Ugly Upside Down' avec sa slide fiévreuse et son harmonica saturé et soul électrique, 'The Yin And The Yang' et l'apport du Hammond B3 de Carson Wagner et les modulations de la voix de McAllister. Du boogie aussi avec 'Batter Up’. Sur la plupart des titres, les chœurs savamment dosés pour accompagner ce blues Boss sont assurés par Andrea Wallace. Voilà un album intense, avec lequel on ne peut pas s'endormir, il y a toujours des solos de guitare intéressants, 'Bring It On The Backbreaker' et toujours la voix inspirée de Randy McAllister.
César

Regina Bonelli
Love Letter

 

Genre musical: Blues, rock, soul
Label : TRUE GROOVE RECORDS
Distributeur : CdBaby, iTunes, Amazon

En direct de New York, une des voix les plus puissantes du moment. Regina Bonelli ne se contente pas d'interpréter, elle écrit aussi ses textes, et plutôt bien, des histoires tirées de la vie courante. Bien entourée, elle a su trouver une équipe de types renommés qui gravitent autour du Label True Groove records fondé par le guitariste Tomàs Doncker qui coproduit cet album avec un autre guitariste, James Dellacotoma. Avec Michael Hill, ils sont donc trois gratteux à soutenir cette icône en devenir. Dans cette nouvelle sortie, la chanteuse nous montre la palette des styles dans lesquels elle excelle. 'Don't You Put Your Hands On Me' d'entrée impose le respect avec son rythme de locomotive, l'orgue de Nick Rolfe qui garde le titre sur les rails et la slide qui répond aux envolées la reine Regina, ça pulse fort. 'Playin' In The Dirt' ne calme pas la chanteuse, mais prend une tournure plus country blues avec slide et harmonica, celui de Gary Schreiner. Les cuivres donnent une couleur rhythm and blues à 'Nothing I Can't Handle'. La soul est présente avec le titre lent et profond 'Love Letter'. Un de mes préférés est 'Talk Is Cheap' simple, efficace et qui balance. Pendant une quarantaine de minutes, huit compos et une reprise bien nerveuse, 'Paint It Black', qui garde l'esprit de l'originale. Pas d'ennui possible, miss Bonelli nous garde éveillés.
César

Ruth Wyand
Tribe Of One

 

Genre musical: Blues, folk, etc
Label : BACK BAY BILL RECORDS
Distributeur : CdBaby, Deezer, Spotify

Je l'imagine bien, jouant, seule au milieu d'une forêt, tous les animaux faisant cercle autour d'elle, puis elle repartirait, non pas avec sa guitare sur l'épaule, mais avec son van chargé de ses guitares et de ses percussions multiples car madame Ruth Wyand est une sacrée One Woman band. Ce doit être son côté roots qui me donne cette image, les quatorze chansons de son CD ayant été enregistrées en studio dans les conditions du live. Sa prestance naturelle est enthousiasmante et sa manière de jouer, de chanter est ensorcelante. Ce n'est pas pour rien qu'elle est arrivée en demi-finale de l'IBC 2017. Du picking en passant par la slide, elle nous propose du blues bien roots, du folk, de l'americana et trois reprises bien senties. 'Blind Willy McTell’ est plus entraînant que l'original de Dylan grâce au picking et à la voix souriante de Ruth. 'Little Wings' à la guitare acoustique, est interprétée tout en douceur et finesse. 'Mint Julep' d'Etta Baker la reine du Piedmont blues en picking également, bien sûr. A ses pieds, bien rangées et attendant une sollicitation, pas moins de six pédales pour frapper une valise, une cymbale, une caisse, une cloche en bois... Tout ça, plus les six cordes de sa guitare animées par une virtuose investie, plus la voix. Le résultat vaut la découverte, total respect Madame !
Césa
r

Sandy Carroll
Blues & Angels

 

Genre musical: Blues, gospel
Label : CATFOOD RECORDS
Distributeur : Amazon, iTunes

Pour son nouvel album Sandy Carroll s'est entourée de Johnny Rawls ('Love Is A Wonderful Thing'), Rocky Athas ('Blues All For Myself') et Bernard Allison ('Headin Home'). Entre blues et gospel, la voix grave et pleine de Sandy Carroll nous raconte ses expériences. Réhaussée de chœurs, son chant se fait tantôt envoûtant, 'Soak Me In The Spirit', tantôt réconfortant 'Blues All For Myself', qui sonne comme une couverture un jour de pluie. 'Wrapped In An Angel' est une très belle ballade blues dans laquelle le ton se fait feutrée et où la guitare et le clavier s'entrecroisent et se font écho. Sandy s'entoure également de choristes sur le boogie 'Mama Don't Like It'. L'intriguante 'Slings And Arrows' commence dans un murmure comme l'on scande une formule magique. La voix de Sandy peut exprimer toute sa profondeur dans cette composition lente et hypnotique. La suivante brise le sortilège avec un groove élégant que les chœurs renforcent encore. 'Road Angels' est quant à elle un blues entêtant et délicat à la fois, maîtrisé avec grâce par la chanteuse. La plus gaie et optimiste 'Movin' On' laisse la place à un piano joyeux et plein d'espoir. Le dernier morceau, 'Mississippi Me', est une ballade triste qui se joue entre le piano et Sandy, une très jolie façon de clore l'album. Sandy Carroll nous dit à travers ses chansons que l'on n'est jamais seul même durant les temps difficiles, et que le blues est aussi là pour nous tenir compagnie. Et quelle compagnie!
Marion Braun

Sean Chambers
Welcome To My Blues

Genre musical: Blues-rock tapu
Label : AMERICAN SHOWPLACE MUSIC
Distributeur : CPI distribution, Amazon, iTunes

Sean Chambers est né puis a grandi en Floride, mais sa guitare sent le Texas quatre-vingt miles à la ronde, avec, dans le traitement du timbre et les solos acrobatiques, un sceau estampillé « Stevie Ray Vaughan ». Il nous offre ici son septième album, incluant huit titres originaux et trois reprises, dont une version ionosphérique du ’Cherry Red Wine’ de Luther Allison, l’ensemble distillant un peu plus de trois quarts d’heure de blues-rock lourdement amplifié. Attention, cet homme-là sait doser ses efforts, défonçant tout sur le tarmac quand il fricote avec le rock’n’roll incendiaire dans ‘You Keep Me Satisfied’, mais proposant aussi de jolies subtilités d’exécution, style patte de fennec en goguette, lorsque le rythme des morceaux devient plus lent. La virtuosité du maître l’incite à atteindre ses derniers retranchements, la six-cordes explose de mille couleurs, soutenue par un groupe à haute valeur ajoutée : John Ginty au piano et à l’orgue Hammond, qui cosigne la plupart compositions avec le patron, Moe Watson à la batterie, Todd Cook à la basse et Jimmy Bennett à la slide sur ‘One More Night To Ride’. Des pointures de classe internationale qui transcendent cette musique un brin standard en une féérie sans cesse renouvelée. Quelle technique ! Quelle énergie dégagée ! Mais aussi de l’émotion à fleur de chant, notamment à travers la voix minérale et maturée de Chambers. La production de l’album a été confiée à Ben Elliott, un gage de qualité et d’expérience quand on sait qu’il a enregistré des artistes tels qu’Eric Clapton, Keith Richards et Billy Gibbons : en conséquence, le son s’avère puissant et judicieusement équilibré. Les titres s’enchaînent sans monotonie du début à la fin du disque, le choix ayant été fait d’intercaler presque systématiquement pièces lentes et morceaux plus toniques. Le voyage s’achève en douceur ouatée et bruine de notes ultra-claires, la Stratocaster prototypique d’Austin ayant l’honneur de clore ce festival électrique de grande lignée.
Max Mercier

The Proven Ones
Wild Again

Genre musical: Blues, Blues-rock
Label : ROSELEAF RECORDS
Distributeur : Amazon, Spotify

Wild Again débute sur les chapeaux de roues avec un morceau qui tape! Avec sa batterie offensive, son gros son d'orgue et les jeux sur la voix, 'Cheap Thrills' jaillit de la sono comme un tonnerre. Guitare électrique, piano et orgue se joignent à la section rythmique pour nous faire taper du pied. La seconde, 'City Dump', démarre en fanfare avec des cuivres pour tenir le rythme enjoué qui supporte la voix claire du chanteur. Les cuivres constituent une facette importante du groupe qui les laissent s'exprimer en soli qui n'ont rien à envier à la guitare. Loin d'être une chanson de rupture lente et triste, 'Why Baby Why' est entraînante et est peut-être celle dans laquelle la voix du chanteur est le plus mise en valeur, encadrée par des cuivres, une guitare et un orgue furieux et indignés. Avec sa guitare saturée, 'Wild Again' est peut-être le morceau le plus rock de l'album. Une rythmique efficace, des motifs aux cuivres comme à la guitare qui restent en tête et une sensation générale de liberté, la formation nous entraîne de force dans son univers. 'Loan Me A Dime', forte de ses onze minutes, se distingue des autres titres de l'album par sa lenteur et ses multiples soli. Enfin, le disque s'achève de façon surprenante par une reprise de 'Don't Let Me Down' des Beatles en majeur. Un choix qui déroute un peu mais qui est si bien exécuté que cela en devient presque une nouvelle chanson. Les Proven Ones n'ont effectivement plus rien à prouver.
Marion Braun

Van Morrison
The Prophet Speaks

Genre musical: Jazz cool 
Label : Exile/Caroline international
Distributeur : UNIVERSAL MUSIC

Le bonhomme est infatigable et ne semble soumis qu’aux seuls caprices de son envie. Après Roll With The Punches et Versatile parus fin 2017 suivi par You’re Driving Me Crazy en avril 2018, revoilà Van Morrison avec The Prophet Speaks. Il confie : « Il était important pour moi de recommencer à enregistrer une nouvelle musique et reproduire certains des éléments du blues qui m'ont inspiré depuis mes débuts. Mon truc c’est d'écrire des chansons et de faire de la musique, et travailler avec de grands musiciens rend la chose encore plus agréable ». Avec ce 40ème album studio il reprend une série de classiques de John Lee Hooker (‘Dimples’), Sam Cooke (‘Laughin’ And Clownin’), Solomon Burke (‘Gotta Get You Off My Mind’), Willie Dixon (‘I Love The Life I Live’) … en se les réappropriant de très belle manière, et présente six nouvelles compositions se son cru. Et non content de chanter Van Morrison s’empare du sax ou de l’harmonica à certains moments. Le ton général est au jazz cool, avec le sax chaleureux de Troy Roberts, la guitare aérienne de Dan Wilson, la batterie incisive de Michael Ode et l’orgue de Joey De Francesco qui sait apporter douceur ou impétuosité avec une égale délicatesse de jeu. Quatorze titres en tout, plus d’une heure d’ambiances feutrées par un orchestre remarquable qui distille d’agréables mélodies et un chant de premier ordre au ton passionné. Un superbe enregistrement dont la finesse d’interprétation fait passer d’un titre à l’autre avec grand plaisir.
Gilles Blampain